Date : 28 May 2025
Terrorisme au Nigeria : une évolution des stratégies et des politiques de réintégration
En réponse aux incessantes attaques des groupes terroristes au Nigeria, le gouvernement mise sur des politiques de réintégration pour traiter le fond du problème. Malgré des résultats encourageants au début des années 2000, des solutions pérennes restent à trouver pour éviter toutes récidives et prévenir le recrutement des nouveaux partisans.
Le gouvernement nigérian a intégré les groupes militants dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme, les considérant comme une menace pour la sécurité nationale. En 2009, le président Goodluck Jonathan lance un programme d’amnistie destiné à mettre fin aux actions du Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MEND). L’initiative vise à favoriser la réinsertion sociale et économique des ex-combattants, avec notamment une prime mensuelle pouvant atteindre 200 dollars pour ceux qui renoncent à la violence. Environ 30 000 anciens militants en bénéficient.
En 2015, dès son arrivée au pouvoir, le président Muhammadu Buhari annonce un retrait progressif de ce programme. Mais la résurgence des attaques, notamment celles menées par les Vengeurs du delta du Niger (Niger Delta Avengers, NDA), un groupe armé apparu en 2016 et revendiquant une redistribution plus équitable des revenus pétroliers, le contraint à faire marche arrière. Le NDA accepte alors d’envisager un cessez-le-feu, sous conditions.
Le programme d’amnistie est ainsi prolongé et recentré sur le désarmement du NDA et du MEND. Le gouvernement continue de soutenir la réinsertion socio-économique de leurs membres, dans l’objectif de stabiliser cette région stratégique.
Cependant, le groupe armé n’est pas le seul responsable de la situation sécuritaire instable au Nigeria. L’insécurité s’intensifie au fil des années. Le président Bola Tinubu met en place des opérations anti-terroristes à l’aide de bataillons de forces spéciales. Toutes les forces de police sont mobilisées, dans les rues, y compris celles destinées à la protection des personnalités.
La réhabilitation comme arme contre le terrorisme au Nigeria
En parallèle, le gouvernement nigérian instaure des programmes de réhabilitation visant les groupes armés terroristes. En atteste l’opération « Safe Corridor », qui cherche à réintégrer d’anciens combattants du groupe terroriste Boko Haram. En place depuis 2016, ce programme travaille à la déradicalisation des combattants islamistes. En pratique, le « Safe Corridor » repose sur cinq piliers : le désarmement, la démobilisation, la déradicalisation, réhabilitation et la réintégration. Plus que cela, ce programme est une approche sociale de la lutte contre-insurrectionnelle dans laquelle est engagé le Nigeria. Cette action gouvernementale s’adresse aux repentis ayant fait une défection de manière volontaire. Les repentis sont transférés dans un centre de détention et immédiatement plongés dans des conditions difficiles. D’autres défis se présentent également : surpopulation des centres et retards dans le processus de réhabilitation. Certaines périodes de détention peuvent s’étendre jusqu’à trois ans, entraînant la mort de plusieurs d’entre eux par manque de nourriture. Les survivants sont quant à eux transférés dans un centre situé das l’État de Gombe, afin de recevoir une formation visant à préparer leur réinsertion. Des phases d’alphabétisation et l’apprentissage de métiers techniques rythment cette seconde étape. D’après le Brigadier-Général Yusuff Ali, coordinateur de l’opération Safe Corridor, quelque 2 190 ex-combattants de Boko Haram ont été réintégrés dans la société nigériane depuis 2016, parmi lesquels 27 étrangers ont été renvoyés dans leurs pays d’origine.
C’est pourquoi, cette politique, menée par le gouvernement nigérian, est en pleine expansion au Nord-Ouest, s’étendant dans les États de Jigawa, Kaduna, Kano, Katsina, Kebbi, Sokoto et Zamdara. Le gouvernement qualifie ce programme de déradicalisation, comme un moyen vital pour briser le cycle du terrorisme au Nigeria.
Néanmoins, des experts en sécurité estiment que ces programmes ne suffisent pas à éradiquer la menace terroriste. Il subsiste des doutes quant à l’efficacité de la réinsertion, certains anciens membres retournant parfois à des activités illégales, attirés par les gains faciles liés aux enlèvements ou au vol. Il est également essentiel de considérer les raisons personnelles et contextuelles qui ont conduit à la reddition de ces individus pour mieux adapter le programme. En outre, le fait que certains anciens criminels échappent à des poursuites judiciaires suscite l’indignation, notamment en cas de violations graves des droits humains.
Les groupes terroristes responsables de la menace sécuritaire
Le Nigeria est confronté à de nombreuses formes de violences, réparties sur l’ensemble de son territoire. Le groupe jihadiste Boko Haram, actif depuis le début des années 2000, sème la terreur dans le nord-est du pays. Fondé par Mohamed yusuf, le groupe rejette le modèle occidental et revendique l’instauration d’un État islamique. Depuis 2009, ses attaques ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de millions de personnes.
Dans le nord-ouest, des groupes armés, souvent désignés sous le terme de « bandits », multiplient les attaques contre les civils, notamment à travers des enlèvements et des raids sur des villages. Cette violence contribue fortement à l’instabilité de la région. Par ailleurs, l’État islamique en Afrique de l’ouest (l’ISWAP), né d’une scission avec Boko Haram et affilié à l’État islamique depuis 2015, est responsable de nombreuses attaques sanglantes, particulièrement dans la zone du Lac Tchad.
Le nord-est du bassin du Lac Tchad demeure une zone particulièrement instable, où les confrontations entre forces armées et groupes extrémistes sont fréquentes. La stabilisation de cette région nécessite non seulement une coopération militaire, mais aussi une amélioration des conditions de vie des populations.
Dans le Sahel, les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) – à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger – ont récemment décidé d’unir leurs efforts pour faire face à des défis similaires. Reste à savoir si l’introduction de programmes de réinsertion comparables à ceux du Nigeria, s’avérera bénéfique afin de réduire influence des groupes armés à long terme.