Date : 09 Dec 2024

L’armée tchadienne, pilier essentiel dans la lutte contre le terrorisme en Afrique

Grâce à sa stratégie militaire, son nombre de soldats et son action sur le terrain, le Tchad s’est imposé comme une des plus grandes puissances militaires africaines. Dans sa lutte antiterroriste, le pays bénéficie de partenariats nationaux et internationaux.

Le classement de l’armée national tchadienne

La défense et l’armée sont des points centraux de l’histoire politique du Tchad. Malgré ce qui a été reproché, comme un manque de cohésion au sein de l’Armée nationale tchadienne (ANT), le Global Fire Power définit le Tchad, selon son classement 2024, comme la première puissance militaire de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), et par conséquent, « la plus puissante de la sous-région d’Afrique centrale ». Sur l’échelle continentale, le pays fait partie des 20 plus importantes puissances en matière de défense, en se hissant à la 14e place. Sur le podium international, le Tchad est en 93e position.

Ces classements témoignent de l’efficacité de la défense tchadienne, résultant d’une stratégie et d’une expérience acquises et développées depuis de nombreuses années. La dépense militaire correspond à l’une des plus importantes dépenses du pays. En 2020, elle correspondait à 3,1 % du PIB, et à 2,9 % en 2022. L’armée est constituée d’une force terrestre, d’une gendarmerie et d’une force aérienne.

Une amélioration croissante des opérations et ressources stratégiques

Les nombreuses crises internes qui ont agité le Tchad (comme les attaques des rebelles pour renverser le pouvoir) et les actions terroristes ont entraîné une volonté de rétablir la situation sécuritaire dans le pays, et donc une amélioration des techniques de combats et des opérations. En 1990, feu Idriss Déby, père de l’actuel président tchadien, a soumis une volonté de réformer l’armée, afin de faire cesser les traitements de faveur, de se concentrer sur la stabilité nationale et de rendre l’armée plus professionnelle. Malgré les rebellions, le président est toujours resté au pouvoir jusqu’à sa mort en 2021 et à la nomination de son fils, Mahamat Idriss Déby, en tant que chef d’État de transition, élu par la suite en 2024, sans coup d’État.

Grâce à un nombre très élevé de soldats par rapport aux habitants, du matériel de logistique conséquent et une capacité de se déployer sur plusieurs territoires, l’armée tchadienne a acquis d’importantes ressources stratégiques qui ont fait d’elle, le pivot central et une référence internationale en matière de sécurité au Sahel et dans la région du lac Tchad dans la lutte antiterroriste.

De nombreux partenariats nationaux et continentaux

Au fil des années, le Tchad a signé de nombreux accords avec différents partenariats locaux et internationaux. En 2014, il s’allie au Mali, à la Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso pour former le G5 Sahel, un dispositif politique visant à assurer la sécurité et la défense au Sahel, et particulièrement dans la lutte contre les différents groupes armés et terroristes.

En 2015, le Tchad, le Cameroun, le Nigeria, le Bénin et le Niger remettent en place la Force multinationale mixte (FMM) ou Multinational Joint Task Force en anglais, initialement fondée en 1994 pour combattre le crime et « le grand banditisme ». Les attaques permanentes du groupe djihadiste Boko Haram dans la région du lac Tchad, (territoire formé de plusieurs îles, frontalier avec le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun), vont déclencher la riposte du FMM. Son siège, d’abord installé au Nigeria, se retrouve à N’Djamena. Elle compte plus de 8500 hommes armés.

Le Tchad fait également partie avec le Niger, le Nigeria, le Cameroun et la République Centrafricaine de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), créée en 1964 pour la gestion des éventuelles problématiques des nations entourant cette région, zone d’attaques récurrentes des djihadistes Boko Haram. Les multiples violences et meurtres perpétrés dans ce territoire par les terroristes provoquent des déplacements de population en masse.

Le Tchad se révèle également être une terre d’accueil pour la population soudanaise, qui fuit une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent et une guerre civile intensifiée depuis le 15 avril 2023.

Une aide mondiale dans le combat antiterroriste au Sahel

Pour endiguer ce fléau, l’armée tchadienne renforce sa stratégie de défense et de sécurité et développe plusieurs partenariats bilatéraux à échelle internationale, avec les USA, plusieurs pays de l’Union européenne (UE) comme la Hongrie, avec qui le Tchad a signé en septembre quatre accords sur les thématiques de l’agriculture, la défense et la sécurité. Ce renforcement de partenariat vise également à lutter contre le terrorisme et l’immigration illégale. Un projet de déploiement de 200 soldats hongrois pour combattre le djihadisme a été abordé. La lutte contre le terrorisme consolide également les relations bilatérales entre le Tchad et la Chine, mais aussi avec l’Algérie et le Maroc. Le gouvernement tchadien rencontre le gouvernement russe, et mène des opérations avec l’Alliance des États du Sahel, afin d’optimiser l’efficacité de lutte contre le terrorisme. Plus récemment, au début de décembre le pouvoir tchadien a annoncé rompre ses accords de défense avec la France. Selon l’Agence France-Presse, « Ce n’est pas une rupture avec la France, comme au Niger ou ailleurs ».

Lors des inondations meurtrières qui ont dévasté plusieurs régions du Tchad et provoqué la mort de centaines de personnes, de nombreux pays de l’UE ont débloqué des fonds d’aides humanitaires. Les Émirats arabes unis, avec qui le Tchad entretient de solides relations bilatérales, a également contribué à une aide financière s’élevant à près de 500 millions de dollars.

Une réactivité et un mode d’intervention efficaces contre les violences terroristes

La lutte antiterroriste menée par l’armée tchadienne est menée contre les différents groupes djihadistes tels que l’État islamique en Afrique de l’Ouest, Al Qaïda et la secte islamiste Boko Haram. Leurs multiples attaques à répétition et les violences commises contre les militaires et civils des pays frontaliers au Tchad déclenchent des contre-attaques et des opérations de répression redoutables. Le président Deby Itno, lui-même de formation militaire, n’hésite pas à prendre les armes et à se rendre au front avec ses hommes.

Dans la nuit du 27 au 28 octobre, une attaque de Boko Haram sur l’île de Barkaram, près de la frontière avec le Nigeria, a provoqué la mort de 40 militaires et causé 37 blessés. Un deuil national de 3 jours a été appliqué. Peu après, l’armée tchadienne lance l’opération Haskanite qui, selon le président a fait « beaucoup de morts et de blessé ». Il avait promis de « traquer les terroristes jusqu’à leur dernière base ». Le gouvernement a également sollicité le soutien de la communauté internationale dans la lutte antiterroriste.

La réactivité de l’armée tchadienne a également été démontrée lors d’une attaque de Boko Haram dans les île du lac Tchad en mars 2020, qui a tué 98 soldats tchadiens. Idriss Déby père, alors président, avait lancé l’opération « Colère de Boma » en représailles, qui avait entraîné selon l’armée tchadienne la mort d’environ un millier de terroristes et 58 soldats tchadiens, ainsi que la destructions de cinq bases terroristes établies au Niger et au Nigeria.

De mars à juin 2022, la FMM mène l’opération « Lake Sanity 1 », dont le bilan après 75 jours fait état de 805 morts parmi les membres de Boko Haram, la libération de plus d’une centaine d’otages, la récupération de nombreux véhicule, la destruction de bases où étaient construits des engins explosifs et la libération de 7 îles du lac Tchad. En 2024, lors de l’opération « Lake Sanity 2 » lancée en avril, plusieurs centaines de membres de Boko Haram se sont rendus au cours du mois de juillet.

La réactivité et la riposte de l’armée tchadienne face aux attaques terroristes ont fait leur preuve à de nombreuses reprises. Selon le politologue tchadien Evariste Ngarlem Toldé, l’opération de riposte Haskanite « a permis de ramener la paix et la confiance dans la population. »