Date : 28 Nov 2024
L’appareil sécuritaire béninois à l’épreuve de la menace terroriste dans les zones frontalières
L’attaque terroriste contre une position de l’armée béninoise déployée aux frontières avec le Burkina Faso tuant deux soldats, en décembre 2021, marque le début d’une intensification de la menace djihadiste dans le pays. Depuis 2021, l’ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project) a recensé 57 attaques terroristes dans le pays, principalement dans les départements septentrionaux de l’Alibori et de l’Atacora. Deux principaux groupes armés terroristes (GAT) affiliés au Rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans (Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin ou JNIM) et créés en 2018, évoluent dans la zone : le groupe du Nord-ouest dirigé par Sékou Moulismou dont les actions se concentrent sur la zone frontalière d’Atacora et le groupe du Nord qui centralise ses attaques sur la zone de Tapoa. Début mai 2023, une vingtaine de personnes a été tuée lors de trois attaques dans deux localités de la commune de Kérou, dans l’Atacora, dont une causée par l’explosion d’un engin explosif improvisé (IED). En mai dernier, trois autres attaques ont été recensées dans le nord du pays : deux dans l’Alibori dont l’attaque du hameau de Yinyinrou qui a fait trois morts et l’attaque IED à Loumbou Loumbou ; et une dernière à Kaobagou dans l’Atacora au cours de laquelle sept hommes ont été égorgés et treize personnes enlevées.
Les parcs forestiers, sancturaires terroristes
Les espaces forestiers du nord du Bénin sont devenus depuis plusieurs années le sanctuaire des cellules djihadistes évoluant au sud du Niger et du Burkina Faso. Le complexe du WAP (W-Arly-Pendjari) représentent des zones de refuge idéales pour les GAT dans la mesure où la densité du couvert végétal leur permet de se cacher facilement et limite les patrouilles véhiculées des forces armées béninoises (FAB) qui y opèrent avec difficultés. En outre, ces espaces forestiers sont également propices au développement de trafics transfrontaliers (armes, drogues, carburant, etc.) entre l’hinterland sahélien et les côtes du golfe de Guinée. En 2022, une quinzaine d’attaques terroristes a été perpétrée contre les forces de sécurité et douze incidents IED ont été recensés en vue d’éprouver le dispositif sécuritaire béninois et de sanctuariser le complexe du WAP. En périphérie, les GAT ont mené des actions de harcèlement contre les autorités et les bâtiments administratifs et ont également menacé les écoles. Ceci dans l’optique d’empêcher la collaboration des populations civiles avec les FAB et de faire reculer la présence étatique, comme en témoigne l’attaque du commissariat de Dassari le 26 juin 2022 ou encore celle du poste de douane de Goungou trois mois après.
La persistence de conflits intercommunautaires
À l’image des pays limitrophes, le nord du Bénin est confronté à des conflits intercommunautaires virulents, parfois meurtriers, liés à l’accès aux ressources. L’origine de ces tensions est triple : l’accès inégal aux terres entre éleveurs et agriculteurs, un système de propriété foncière défaillant et une gestion discutable et exclusive des parcs forestiers par l’ONG privée sud-africaine African Parks Network, provoquant des frustrations au sein des populations locales. Or, les frictions interethniques pourraient constituer, à moyen terme, un terreau propice au développement d’un foyer de recrutement béninois. En août 2022, l’émir de la cellule du JNIM évoluant dans la zone frontalière avec le Burkina Faso, Cheikh Albaani, s’est exprimé dans l’un des idiomes les plus parlés dans le nord du pays, dans une vidéo diffusée sur al-Zallaqa, canal officiel du JNIM. Cette intervention s’inscrit dans une stratégie de recrutement local du groupe qaïdiste au Nord Bénin pouvant indiquer sa volonté de s’y implanter durablement.
Des opérations sécuritaires
Malgré les indices évidents du risque de contagion du djihadisme sahélien au nord du pays, les autorités béninoises s’expriment peu sur les incidents sécuritaires qui frappent le pays. Si les FAB sont d’ores-et-déjà présentes dans les régions septentrionales avec l’opération « Mirador » : environ 450 militaires sont mobilisés pour surveiller les parcs nationaux W et de la Pendjari ; et l’opération « Araignée » pour surveiller les domaines forestiers classés d’Agrimey et Kétou. Ces opérations visent à patrouiller, surveiller et lutter contre le braconnage ainsi qu’à gérer les infrastructures (routes, ponts, etc.). Face à la dégradation sécuritaire durable et croissante des zones frontalières, les gouvernements nigérien et béninois ont lancé, en mai dernier, le « projet transfrontalier d’appui au renforcement de la sécurité communautaire, à la gestion et la prévention des conflits liés à la transhumance et la gestion des ressources naturelles ». Mis en œuvre dans les communes de Malanville, Karimama et Kandi, ce projet vise à accroître la présence étatique et militaire dans le nord du pays.