Date : 28 Nov 2024

2022, année de la recrudescence du terrorisme au Mali

Le 18 et 19 juin 2022, plusieurs villages du cercle de Bankass dans la région de Bandiagara, dans le centre du Mali, ont fait l’objet d’attaques faisant plus de 132 victimes civiles. Le 21 juillet, c’est au tour de Douentza, Kolokani, Koro, Bapho, Ségou, Mopti. Le lendemain, c’est Kati. Puis Sévaré le 24 juillet, Kalumba, Sokolo et Mopti le 28. Les agressions et raids menés contre les FAMA n’ont jamais été aussi nombreux en peu de temps. Elles totalisent ainsi douze attaques coordonnées quand elles ne sont pas simultanées, en l’espace d’une semaine, ce qui est un record parmi les cycles de violences observés tous les ans depuis 2012. Les conséquences ne se font pas attendre. En effet, le vendredi 29 juillet 2022, l’Ambassade des États-Unis au Mali a ordonné le départ des fonctionnaires américains et les membres de leur famille qui résident dans le pays en « raison du risque accru d’attaques terroristes dans les zones fréquentées par les occidentaux. » Le 30 juillet 2022, face à la recrudescence du terrorisme et des attaques au Mali, El Hajj Younouss Hamèye Dicko, président de l’ATIR (Alliance pour une Transition Intelligente et Réussie), estime dans une déclaration officielle que le gouvernement malien doit s’appliquer à mettre en place un budget de guerre, équivalent à 37% au moins du budget national. Mis à la disposition des Forces de Défense et de Sécurité, il permettra de lutter contre le terrorisme et de procéder à un recrutement massif dans l’Armée.

Situation sécuritaire sur le terrain

Alors que les observateurs auraient pu s’attendre à un affaiblissement d’Al Qaida suite à la neutralisation du successeur de Ben Laden, l’égyptien Ayman Alzawahiri en Afghanistan, c’est le contraire que l’on observe sur le terrain. En effet, un regain de dynamisme et d’actions terroristes attirent de nouveau les regards vers ce mouvement djihadiste. Alors que l’on pouvait s’attendre à un essoufflement du système, la soif de vengeance enflamme les actions des combattants, d’où une recrudescence des attaques suicides au Mali. Ce ne sont pas des actes désespérés pour sauver un navire en perdition, bien au contraire, la mort de leur guide suprême va sans doute, sous la bannière de la vengeance, créer de nouvelles vocations et accentuer le taux de recrutement.
Recrudescence du terrorisme au Sahel

Aujourd’hui, le Mali atteint un stade où les terroristes ont gagné en confiance et en liberté d’action sur le terrain. Ils savent désormais que les facteurs contraignants ne sont plus présents. En effet, les contingents militaires et policiers de la Minusma ne sont plus suffisamment mobiles, la force Barkhane a quitté le territoire malien, et les forces étrangères du G5-Sahel sont quasiment absentes. Cette nouvelle situation donne plus de champs libres aux terroristes, notamment si l’on tient compte du fait que l’armée malienne a des difficultés à sécuriser l’ensemble du territoire national au même moment dû à la superficie de son territoire. D’ailleurs, ses capacités dissuasives s’en trouvent d’autant plus réduites que le groupe de mercenaires russes Wagner a réorienté ses priorités en se désengageant du Mali en faveur de l’Ukraine. La Russie n’arrive pas à concrétiser ses ambitions sur le terrain conformément à un agenda qui devait s’inscrire dans l’immédiateté. Rappelées en renfort dans la guerre qui sévit au nord de l’Europe, la Russie espère que le groupe Wagner pèsera davantage dans la balance du rapport des forces sur le terrain en Ukraine. Ces différentes forces étrangères en présence étaient un moyen dissuasif contre les terroristes qui étaient obligés de limiter leurs mouvements par peur d’accrochages et de pertes humaines.

Méthodes et logiques des terroristes au Mali

A chaque fois que l’État tente de se réinstaller dans une zone du Mali, les groupes armés djihadistes mènent des attaques sporadiques pour affirmer leur présence, pour marquer leur territoire dans ces espaces. Leur but premier est surtout de casser la dynamique d’un éventuel retour de l’État, notamment dans le nord du Mali, et de décrédibiliser ses actions. Les cycles d’attaques terroristes reposent surtout sur l’exploitation des failles dans le dispositif sécuritaire. Les terroristes privilégient également les zones où, historiquement, il y a eu des tensions et parfois des conflits entre catégories socio-professionnelles, notamment entre les éleveurs et les agriculteurs. Ce qui est original aujourd’hui, c’est surtout l’instrumentalisation de ces tensions par des groupes armés qualifiés de djihadistes. Cependant, le bilan de cette dernière recrudescence du terrorisme au Mali démontre que les assaillants visent de plus en plus des localités proches de la capitale malienne Bamako.

Les attaques terroristes au Mali peuvent être classées en deux grands types de catégories. Les attaques de faibles envergures sous forme de harcèlement pour forcer les Forces Armées Maliennes à sortir de la protection de leur caserne et les amener sur des portions de terrains favorables aux embuscades ou aux pièges par mines ou IED. Ces attaques causent beaucoup de pertes dans les rangs des forces de sécurité et des armées maliennes, et peu de pertes aux attaquants. C’est le cas aussi pour le harcèlement des convois ou les attaques de village. Ce type d’attaque entraîne une dilution des forces sur un large espace de confrontation et reste très difficile à contrôler aussi bien dans l’espace que dans le temps. Le but est de décrédibiliser les forces gouvernementales, réimposer la suprématie des groupes armés terroristes par la terreur, dissuader les populations de pratiquer la délation et la collaboration avec les représentants étatiques, ou bien même de se réapprovisionner en denrée et en devises.

A contrario, les attaques de grande envergure ont pour but la démonstration de force, et un certain pouvoir de contrôle d’une zone, et l’affaiblissement des forces armées nationales sur le terrain. C’est ce que montrent les attaques des grosses emprises ou des grandes villes. Même si ce type d’attaque reste très coûteux en vies humaines, l’impact médiatique et la provocation restent stratégiques.
Dans tous les cas, l’objectif est bien de revenir au concept élémentaire du terrorisme. Il n’est plus forcément de tuer au premier abord mais plutôt de créer la panique et de troubler l’ordre public. Leurs missions sont d’autant plus aisées à réaliser depuis le départ de Barkhane, et le manque de résultat probant des mercenaires russes.

Rappelons que l’autorité de transition comptait sur le groupe de mercenaires russes Wagner, qui affirmait en fin d’année 2021, qu’en l’espace de 6 mois il aura réglé la question du terrorisme au Mali. 10 mois plus tard, malgré ses interventions, il n’en est toujours rien. Au contraire, les chiffres montrent qu’ils ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions. Cependant ses actions sont particulièrement vantées par les autorités de transition. Néanmoins, la situation en Ukraine, n’apportant pas tous les attendus de la Russie dans les temps escomptés, oblige Wagner à alléger son dispositif au Mali. Le départ de ses mercenaires vient creuser le vide déjà occasionné par le départ des forces étrangères.
Face à cette évolution du paysage sécuritaire au Mali, les autorités militaires n’auront donc pas d’autre choix que de revoir leurs stratégies de lutte contre les djihadistes sur le terrain.

Ce qu’on observe depuis un certain temps, c’est que les groupes se sont multipliés ces dernières années et que leur zone d’activités s’est considérablement accrue. De plus, si les terroristes n’arrivent plus à réaliser des exploits contre les militaires, ils n’hésiteront pas à s’en prendre aux civils comme ils le font actuellement dans le centre du Mali et dans d’autres zones du pays, immobilisant l’économie et le développement de la Nation.

En attente d’une solution probante, les groupes djihadistes portent la menace terroriste du Sahel vers les pays du Golfe de Guinée. Pour preuve, après les attaques en Côte d’Ivoire entre 2019 et 2020, ils ciblent à présent le Bénin et le Togo.