L’attaque d’un convoi de ravitaillement escorté par l’armée lundi 26 septembre à Gaskindé, au cours duquel 27 militaires ont été tués et une cinquantaine de civils ont été portés disparus semble avoir mis le feu aux poudres. Selon certains experts en sécurité, c’est l’incident de trop qui fait que les militaires Burkinabè se sont sentis trahis. Un nouveau coup d’État a donc eu lieu au Burkina Faso ce vendredi 30 septembre 2022.
Avec les deux putschs au Mali en août 2020 et mai 2021 et celui en Guinée en septembre 2021, c’est le cinquième coup d’État en Afrique de l’Ouest depuis 2020.
Ce nouveau coup de force au Burkina Faso révèle de profonds désaccords au sein de l’armée. L’unité d’élite des « Cobras » déployée dans la lutte antidjihadiste reproche notamment au lieutenant-colonel Damiba de ne pas mobiliser toutes les forces sur le terrain. Huit mois seulement après le putsch de ce dernier, l’armée a de nouveau renversé le pouvoir. Il s’agit du onzième coup d’Etat de l’histoire du pays.
Le capitaine Ibrahim Traoré, nouveau dirigeant du Burkina Faso promet que la lutte anti-terroriste se fera désormais avec d’autres partenaires que la France. Ses intentions sont-elles déjà confirmées par les drapeaux russes visibles pendant les manifestations à Ouagadougou ?
Un nouveau coup d'État à Ouagadougou ce vendredi 30 septembre 2022
Le Burkina Faso est secoué vendredi 30 septembre 2022 par un second coup d’État en l’espace de huit mois. Après une journée d’incertitude et de confusion à Ouagadougou, une quinzaine de soldats ont annoncé en soirée sur le plateau de la radiotélévision nationale que le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba était démis de ses fonctions de président de la transition.
Début 2022, l’armée burkinabé avait mené un coup d’État jugeant que le précédent gouvernement était dans l’incapacité de contrôler la violence. Le nouveau gouvernement transitoire a réaffirmé à la lumière des derniers événements son serment de défendre et de libérer le peuple burkinabè de l’emprise des forces terroristes qui veulent l’asservir par la violence aveugle et la terreur.
Ces événements commencent par des tirs à l’arme lourde entendus dans la nuit de jeudi 29 à vendredi 30 septembre, à l’intérieur du camp militaire Baba Sy, situé dans le sud de la capitale du Burkina Faso, à proximité du palais présidentiel.
La journée de vendredi 30 septembre 2022 est la journée clé où tout bascule dans la capitale burkinabè. Des tirs sont entendus peu avant l’aube dans le quartier abritant la présidence, selon plusieurs témoins, puis à nouveau en début d’après-midi. Plusieurs axes de la ville sont barrés toute la journée par des militaires postés sur les principaux carrefours de la ville, notamment devant le siège de la télévision nationale. L’accès à la présidence est bloqué par des militaires armés. Le signal de la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB) cesse d’émettre et l’accès à ses locaux est bloqué par des militaires. En début d’après-midi, un communiqué annonce une situation confuse créée suite à un mouvement d’humeur de certains éléments des Forces armées nationales. Il précise que des pourparlers sont en cours pour ramener le calme et la sérénité.
#Burkina | Situation confuse à #Ouagadougou. Des tirs entendus dans des casernes dont au camp Gal. Baba Sy. Des blindés dans plusieurs artères de la capitale. Le signal de la @rtburkina coupée. "Le président #Damiba va bien", dixit un de ses proches.#Lwili pic.twitter.com/umDX5LWM1K
— Djakaridia Siribié 🇧🇫 (@Dsiribie) September 30, 2022
Dans l’après-midi, dans une brève allocution télévisée, les putschistes déclarent que M. Damiba se serait réfugié au sein de la base française à Kamboinsin, afin de planifier une contre-offensive pour semer le trouble au sein des forces de défense et de sécurité, rumeur qui a par ailleurs été démentie officiellement par l’Ambassade de France au Burkina Faso. Plusieurs centaines de personnes, dont certaines brandissant des drapeaux russes, se rassemblent sur la grande place de la Nation à Ouagadougou. Elles réclament une coopération militaire avec la Russie, rejettent la présence militaire française au Sahel et exigent le départ du lieutenant-colonel Damiba.
La fin de la journée est marquée par une série de mutineries dans les casernes, mais aussi par la circulation de nombreuses fausses informations sur les réseaux sociaux. Après une journée émaillée de tirs dans le quartier de la présidence à Ouagadougou, une quinzaine de soldats en treillis et pour certains encagoulés prennent la parole, peu avant 21h, sur le plateau de la radiotélévision nationale. Ils annoncent la fermeture des frontières, la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition. Un couvre-feu est instauré de 21h à 05h.
La fuite du Lieutenant-Colonel Damiba à Lomé au Togo
Samedi premier octobre, des militaires, comme la veille, prennent position pour bloquer les principaux axes de la ville, notamment le quartier de Ouaga 2000 abritant la présidence. Des hélicoptères survolent le centre-ville. Selon des témoins, des tirs retentissent dans la capitale et des forces de sécurité lourdement armées patrouillent dans le centre-ville.
Accueilli par le Président Faure du Togo, le lieutenant-colonel Damiba quitte le Burkina Faso et se réfugie à Lomé.
Samedi en fin d’après-midi, deux institutions françaises sont prises pour cibles par des manifestants. Des incendies se déclenchent devant l’ambassade de France et l’Institut français à Ouagadougou, un autre devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso. Plusieurs stations Total sont prises pour cible par des manifestants, de même que le lycée français dans la capitale. L’armée demande la démission de Damiba, puis évoque des concertations.
Samedi soir, la confusion règne à Ouagadougou suite à une déclaration de l’armée qui ne reconnait pas la prise du pouvoir la veille. En début de soirée, le calme est revenu dans les rues, mais tardivement, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés près de la base militaire de Ouagadougou, pour soutenir les putschistes.
La démission de Paul-Henri Damiba et l'arrivée au pouvoir du Capitaine Traoré
Dimanche 2 octobre, plusieurs centaines de manifestants, réclament la reddition définitive de Paul-Henri Damiba, clament des slogans antifrançais et brandissent des drapeaux russes. Ils accompagnent le cortège du capitaine Traoré à la télévision pour l’enregistrement de son communiqué. L’ancien chef du gouvernement de transition destitué, Paul-Henri Damiba présente sa démission. Celle-ci est acceptée par les chefs religieux et communautaires, ainsi que par le capitaine Ibrahim Traoré, nouveau dirigeant du Burkina Faso. Ce denier annonce, dans la soirée dans un communiqué lu à la télévision nationale, avoir reçu le soutien des différents chefs de l’armée en vue de redynamiser la lutte antidjihadiste. Il s’est excusé pour les militaires qui ont troublé Ouagadougou lors des dernières heures, appelant à cesser les actes de violence et de vandalisme contre la France. Le couvre-feu instauré vendredi de 21h à 5h est levé et les frontières terrestres rouvertes. Il a rappelé enfin, qu’il est chargé de l’expédition des affaires courantes jusqu’à la prestation de serment du président du Faso désigné par les forces vives de la nation en juillet 2024.
Depuis 2015, les groupes djihadistes affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ou à l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) ne cessent d’étendre leur emprise sur le Burkina Faso. Leurs attaques ciblent aussi bien les militaires que les civils.
Paul-Henri Sandaogo Damiba avait été porté au pouvoir par un putsch en janvier 2022 contre le président Kaboré, critiqué pour son impuissance face à la montée des violences djihadistes dans ce pays du Sahel. Un problème qui reste central pour ce nouveau putsch.
Avec près d’un habitant sur dix déplacé et plus de 3 millions qui souffrent de la faim, l’impatience de la population ne risque pas de tomber. En effet, le nouveau coup d’État au Burkina Faso ne diminuera pas la multiplication des attaques terroristes qui a subi une hausse de 76 % au premier semestre. Les nouveaux drones turcs de type Bayraktar TB2, acquis récemment par l’armée burkinabè n’ont pas été mis en oeuvre depuis assez longtemps pour analyser l’impact peut-être positif dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Pourtant, ce renforcement des moyens opérationnels de l’armée ne manquera pas d’augmenter ses capacités de réaction rapide et de puissance de feu. Employée judicieusement, cette nouvelle acquisition apportera certainement les résultats tangibles tant attendus contre la violence terroriste.