Date : 28 Nov 2024

Terrorisme au Niger : rapport de situation 2022

Lundi 3 Janvier 2022, un accrochage a eu lieu dans la matinée entre une mission de reconnaissance de la Garde Nationale du Niger et un groupe de l’EIGS à Sanam dans le Tillabéri. Selon les autorités, depuis le début des premières attaques terroristes en 2015, le Burkina Faso a enregistré plus de 2000 personnes, civiles et militaires, tuées et plus de 1,8 million d’autres qui ont quitté leurs localités d’origine pour fuir vers des pays voisins dont le Niger.

Le Niger a besoin de paix et de sécurité pour asseoir les bases de son développement économique et social. Il lui faut donc apporter la riposte adéquate et implacable aux organisations terroristes.

Situé au cœur des conflits d’intérêt contradictoire et de la lutte pour le pouvoir entre États légitimes et terrorismes, le Niger est confronté aussi à la volonté des fondamentalistes luttant pour imposer la Charia du golfe de Guinée au Soudan. Comme ses voisins, la richesse de ses sols, la porosité des frontières et le manque de maîtrise de son espace par les pouvoirs publics en font un objectif de convoitise aussi bien pour les trafiquants que pour les terroristes.

Point de situation sécuritaire : le Niger et l’émergence d’une menace terroriste au Sahara

Le Sahara constitue un espace immense sur lequel l’État, bien que présent, n’arrive pas à contrôler les nombreux espaces favorables à l’implantation de différents groupes armés. A partir des années 2000, des organisations se réclamant du djihadisme armé se développent. Ils entretiennent des liens complexes avec les populations locales, les mouvements rebelles et les bandes criminelles. Le convoyage de la drogue s’adapte et se déplace vers l’Est du Niger. Le contrôle des convois fait l’objet de disputes importantes entre les différents groupes terroristes. Les premiers incidents armés sont signalés dès 2003 lors d’accrochages entre les Forces Armées Nigériennes (FAN), renforcées par des forces spéciales américaines, et des éléments issus du Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien(GSPC). En 2007, il prend le nom d’AQMI. L’organisation n’opère pas directement sur le sol nigérien mais sous-traite les enlèvements à des groupes criminels locaux qui livrent les otages au Nord du Mali le temps nécessaire pour l’organisation terroriste de consolider sa présence sur ce nouveau territoire. Au Nord du Niger, elle ne dispose pas encore de base arrière mais opère plutôt par le biais de petits relais locaux et de caches d’armes.

A partir de 2010, un changement de stratégie s’opère : des attaques ciblent directement l’armée ou les intérêts occidentaux au Niger avec une forte concentration sur les installations minières.

Malgré une implantation réduite, les actions d’AQMI ont un impact important. Alors que dans la première moitié des années 2000, le pays n’apparaissait pas d’emblée comme l’un des plus menacés de la zone sahélienne, le Niger est aujourd’hui présenté avec le Mali comme l’un des espaces stratégiques de l’affrontement entre groupes jihadistes et pays occidentaux.

Position géostratégique et géopolitique du Niger

De par sa situation géopolitique et géostratégique, le Niger n’échappe pas aux activités des groupes armés djihadistes qui déstabilisent les pays voisins. Au Nord, à la frontière avec le sud de la Libye, la zone connaît une forte concentration de trafics d’armes, de drogue et de traite de personnes impliquant des djihadistes d’AQMI. Au Sud-Est, à la frontière avec le Nigeria, Boko Haram mène à la fois des attaques et des opérations de recrutement au niveau local, en particulier dans la région de Diffa. A la frontière Ouest, avec le Mali et le Burkina, la coalition JNIM (AQMI, Ansardine, Al Mourabitoune et MUJAO), et l’EIGS conduisent des attaques à partir du territoire malien où ils se sont implantés.

La région de Tillabéri

La situation sécuritaire est grave dans le Tillabéri, région de l’ouest du Niger, à la frontière avec le Mali et le Burkina Faso, selon le dernier rapport d’Ocha, le Bureau de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies, 135 incidents violents ont été dénombrés depuis le début de l’année contre 93 pour l’ensemble de l’année 2021. « Ces attaques viennent en particulier du Burkina par des incursions au niveau du fleuve Niger. Depuis le début de l’année, il y a des mouvements de populations internes qui quittent leur village parce qu’ils ont été menacés. Cela concerne plus de 58 000 personnes», explique Emmanuel Gignac, le représentant du Haut-commissariat pour les réfugiés de l’ONU à Niamey. Cette hausse de l’insécurité provoque une grave crise humanitaire. Selon Ocha, la situation est étroitement liée avec les différentes oppositions des groupes islamistes dans des combats territoriaux dans la sous-région et le départ des forces françaises du Mali. Les mouvements des réfugiés vers le Niger, suite à des combats entre des groupes terroristes et des groupes Touaregs, accentuent ce phénomène. Enfin, les opérations conjointes entre les forces armées nigériennes et les forces armées burkinabées provoquent des attaques en guise de représailles.

Dans la même région, à Diffa, des éléments terroristes appartenant à Boko Haram ont attaqué le bureau de douanes de Mainé Soroa, tuant un douanier, blessant 3 autres et emportant un véhicule. Une fois l’acte commis, ils ont pris la fuite au Nigéria. Depuis juillet 2017, la région de Diffa vit sous la menace de Boko Haram. Ses sanglantes incursions sont essentiellement dirigées contre des villages et campements situés dans la communes de N’Guigmi. Toutes ses attaques dans la région de Diffa ont lieu pendant la nuit. Elles démontrent la volonté de dissimulation des terroristes et de privilégier l’effet de surprise pour éviter un affrontement direct et frontal avec les éléments de force de défense et de sécurité. De plus, en cas de poursuite, le désert, à proximité, leur donne un certain avantage en leur offrant un espace de mobilité. Enfin, toutes les cibles de Boko Haram dans la région de Diffa sont des villages et des campements d’éleveurs où l’organisation terroriste a recours à l’intimidation pour y cacher ses prises de guerre. Le fait d’égorger certain membres de la population constitue sa meilleure arme de dissuasion pour s’assurer du silence des villageois.

Les modes d’action des groupes terroristes se transforment. Moins en confrontations directes avec les forces armées, ils se concentrent plus sur des actes de sabotages à l’encontre des infrastructures publiques et privées, d’intimidations des populations civiles vivant en milieu rural, d’installation des engins explosifs improvisés (EEI) sur les routes, de vol de bétail, des enlèvements et assassinats ciblés de personnes.

La région Agadez victime de sa géographie

Un poste de contrôle d’Assamaka dans le département d’Arlit vers la frontière algérienne est attaqué et détruit par des assaillants non identifiés.

La position géographique de la région d’Agadez est, selon les situations, un avantage ou un inconvénient. La très vaste étendue du territoire rend difficile tout contrôle de la région par des groupes armés. Cependant, elle possède une frontière commune avec le Nord Mali contrôlé par des rebelles et des terroristes. Agadez est également en contact avec les frontières l’Algérie et surtout de la Libye où des milices et groupes armés sont implantés. Enfin, bordant le désert, elle est à proximité d’une zone refuge qui offre un avantage stratégique de mobilité important permettant aux assaillants de se désengager des forces armées gouvernementales dans un espace qu’ils maîtrisent depuis des générations.

La zone des trois frontières au Niger représente le maillon faible de la guerre contre le terrorisme en Afrique. La mutualisation des moyens des forces de défense et de sécurité nigériennes avec celles des forces alliées, renforcées de leurs expériences et connaissances du terrain, pourraient contrer cette menace. Pour l’instant, elle les force à changer de mode d’action mais ne parvient pas à les dissuader de poursuivre leur objectif.