Date : 18 Dec 2025
Yellowcake : quels dangers et enjeux pour la suite du convoi d’uranium ?
Un convoi géant
Le 27 novembre 2025, deux convois transportant près de 1 000 tonnes de « yellowcake » ont quitté les mines d’Arlit. Cette production, autrefois exploitée par la société française Orano, a été scindée en deux parties. La première, composée de 34 camions, est arrivée le 4 décembre 2025 à Niamey, stationnant à proximité de la base aérienne 101. La seconde, de 20 camions, a rejoint le convoi le 9 décembre. La valeur totale de la cargaison est estimée à plus de 170 millions de dollars.
L’opération mobilise un impressionnant dispositif logistique : 41 camions de la société BM Trans et 13 camions de sa filiale Oyam, le tout escorté par des mercenaires russes de l’Africa Corps ainsi que par la Garde Nationale du Niger (GNN). Les sources estiment le total du convoi à plus de 100 véhicules.
Uranium : de l’exploitation d’Orano à la nationalisation
Le « yellowcake » est une poudre obtenue après le traitement chimique du minerai d’uranium. Ce concentré doit encore être converti et enrichi avant de pouvoir être utilisé comme combustible dans les centrales nucléaires. Autrement dit, il constitue une étape intermédiaire entre le minerai brut et le combustible, et n’est pas exploitable en l’état mais constitue un produit stratégique et hautement surveillé sur le marché international.
Cette matière provient de la mine de Somaïr (Société des Mines de l’Aïr), située près d’Arlit, dans la région d'Agadez au nord du Niger. Cette mine était détenue majoritairement par la société française Orano (à hauteur de 63 %), le reste appartenant à l’entreprise publique nigérienne Sopamin (36%).
Depuis le coup d’État de juillet 2023, les autorités de Niamey ont progressivement pris le contrôle opérationnel de la mine et ont bloqué les exportations d’uranium. En décembre 2024, Orano a perdu l’accès à sa production et en juin 2025, Le Niger annonce la nationalisation de la Somaïr.
Enfin, le 1er décembre 2025 — 4 jours après
le départ du convoi — Le Niger annonce officiellement la mise sur le marché international de son uranium, et donc le yellowcake issu de Somaïr, sans tenir compte des procédures d’arbitrage engagéees par Orano pour défendre ses intérêts. L’entreprise française a immédiatement condamné cette expédition, qu’elle qualifie d’« illégale ».
A ce jour, aucune grande agence internationale n’a encore officiellement confirmé l’identité
de l’acheteur de ce yellowcake ni sa
destination finale. Plusieurs sources évoquent cependant des intérêts russes, qui profiteraient des difficultés financières du Niger pour mettre la main sur cet uranium.
Alors que cette annonce fait polémique à l’international, le convoi est à l’arrêt depuis le 4 décembre, rendant incertaine l’avenir de cette cargaison stratégique vers sa destination, le port de Lomé, au Togo.
Le Niger au dessus des lois internationales
Le cas du yellowcake d’Orano illustre les risques majeurs que pose, au niveau international, le transport de matières nucléaires dans un contexte de conflit juridique et politique.
Orano a dénoncé le caractère illégal du déplacement de son produit, intervenu alors qu’un différend opposait toujours la société à l’État nigérien. Cette cargaison est considérée comme illicite en raison de l’absence de titre de propriété légalement transféré, situation aggravée par la procédure engagée devant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI). Par un jugement rendu le 23 septembre 2025, le CIRDI a expressément ordonné au Niger de ne pas vendre, transférer ou faciliter le transfert de l’uranium extrait avant la nationalisation, sous peine de violation du droit international de l’investissement.
Une telle situation expose non seulement les acteurs concernés à des sanctions juridiques, mais fragilise également l’architecture mondiale de non-prolifération et de sécurité des matières nucléaires, fondée sur la transparence, la traçabilité et le respect strict du droit international.
La marchandise exposée à la menace terroriste
Le convoi de yellowcake à travers le Sahel s’inscrit dans un environnement sécuritaire extrêmement dégradé, faisant peser un risque terroriste majeur. Entre Niamey et la frontière burkinabè, trente-cinq attaques attribuées au JNIM ont été recensées au cours des six premiers mois de l’année 2025, illustrant l’intensité de la menace sur cet axe stratégique. Cette zone, assimilable à un espace de guerre, est marquée par la présence simultanée de multiples groupes djihadistes et organisations terroristes capables de mener des opérations complexes.
Le risque s’accroît encore au Burkina Faso, où des groupes armés perfectionnent l’usage de drones kamikazes et de drones capables de larguer des explosifs, renforçant la vulnérabilité des convois terrestres.
Dans un tel contexte, un transport de yellowcake constitue une cible idéale : sa valeur économique en fait un enjeu de prédation susceptible d’alimenter le financement des groupes terroristes, tout en leur offrant un levier de pression politique et sécuritaire. La capture ou la revente de cette matière renforcerait ainsi les capacités opérationnelles de ces groupes et contribuerait à l’instabilité régionale, transformant un convoi industriel en facteur aggravant du terrorisme transnational.
Risques environnementaux et sanitaires
Le transport international de yellowcake, en dehors de tout cadre légal reconnu, comporte également des risques environnementaux et humains significatifs.
Bien que faiblement radioactif, c’est avant tout un produit chimiquement toxique. Cela représente un réel risque sanitaire et humain. Il présente une radiotoxicité surtout en cas d’inhalation ou s’il est ingéré car il contient des particules radioactives pouvant provoquer des cancers.
Mais cela représente également un risque au niveau écologique, que ce soit lors du trajet terrestre, ou du trajet maritime, si le produit vient a être dispersé dans la nature, il pourrait fortement affecter l’environnement. Il peut entraîner une contamination durable des sols, des nappes phréatiques et des écosystèmes. Ce qui viendrai à priver les populations environnantes d’eau potable et de ressources alimentaires via l’agriculture ou l’élevage.
De plus, si un accident survient lors de son transports maritime, la cargaison alors libérée dans les océans contaminerait les organismes marins par ingestion ou dissolution dans l’eau. En conséquences, cela affecterai les zones de pêches et de récifs qui exposerait les populations à des risques sanitaires liés à la consommation de produits de la mer.
En conclusion, les possibles scénarios catastrophes de ce convoi sont multiples.
Cela pourrait provoquer des sanctions internationales sur le Niger, mais également un isolement du Togo, qui, en autorisant le passage du convoi sur son territoire, s’alignerait sur les intérêts de la Russie et renforcerait ainsi son emprise en Afrique de l’Ouest. Le Togo se rendrait ainsi complice de cette violation du droit international.
Ce transport illégal de matières dangereuses représente un grand nombre de risques tant au niveau international, qu’environnemental et sanitaire. Si un accident survient, les conséquences pourraient être dramatiques et irréversibles.