Date : 28 Nov 2024

Les Forces Armées Togolaises (FAT): Tour d’horizon 2022

Depuis 2018, la menace terroriste longtemps confinée au Sahel se répand vers les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Pour le Togo, ce risque commence par se confirmer le 15 février 2019 lors d’une attaque contre un poste de douane, à Nohao, dans la province du Boulgou au Burkina, proche de la région des savanes du Togo. Cet incident a fait cinq victimes dont quatre douaniers et un prêtre espagnol. Cette région a été frappée par plusieurs attaques meurtrières des terroristes dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 juillet 2022 faisant une vingtaine de morts et plusieurs blessés graves. Ils s’inscrivent dans une macabre série de plusieurs attaques simultanées qui se sont déroulées à Kpemboli, dans le canton de Pogno, à Souktangou, Lidoli et Blamonga. Elles ont laissé dans le sillage des djihadistes une vingtaine de morts et plusieurs dizaines de blessés.

Contrairement au mode d’action des terroristes qui sévissent dans les pays environnant, la particularité de ces attaques est que les djihadistes n’ont pas fait usage d’armes à feu, ils ont préféré l’usage plus traditionnel des couteaux pour égorger les villageois. Ces drames confirment les analyses des services de renseignements faisant état de menaces d’infiltrations de bandes armées désireuses de mener des attaques terroristes contre les localités dans la zone au Nord de Dapaong.

En mer, le port de la capitale du Togo, connu de tous les armateurs pour ses eaux naturellement profondes, n’est en général la destination finale que d’une partie minoritaire de tous les navires qui y sont amarrés. La plupart ont jeté l’ancre là, pour s’abriter, non pas des tempêtes, mais des pirates, essentiellement nigérians, qui infestent la zone. Ils sont tenus en respect par les radars et les quatre patrouilleurs de la Marine Nationale Togolaise qui sécurisent les 75 kilomètres du littoral national. L’attention portée par les autorités togolaises à la sécurisation de leur frontière maritime devient alors un argument non négligeable, un vrai atout dans la compétition commerciale maritime régionale. Mais les problèmes que ce pays rencontrent ne relèvent pas que de la lutte anti-terroriste.

Rappels des événements récents au Togo

La région des savanes du Togo est frontalière aux régions de l’Est et du Centre-Est du Burkina qui connaissent une recrudescence des attaques attribuées à des groupes extrémistes violents actifs au Sahel.

Il s’agit essentiellement de groupes terroristes connus comme l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), Ansarul Islam ou le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM ou JNIM). Afin de faire face à cette menace, le gouvernement togolais a adopté plusieurs mesures, dont la création du Comité Interministériel de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent (CIPLEV), le 15 mai 2019. C’est un mécanisme non-militaire qui vient en complément aux mesures prises par le Togo depuis 2017 pour prévenir l’extrémisme violent sur son territoire.

A titre curatif, le gouvernement togolais a lancé, en septembre 2018, l’opération Koundjoare dans la région des Savanes. Elle vise à prévenir l’infiltration de terroristes sur son territoire et à renforcer le lien entre la population locale et les forces de défense et de sécurité à travers la conduite d’actions au profit des communautés.

Selon les experts, plusieurs facteurs de vulnérabilité existent au Togo et peuvent être exploités par les groupes extrémistes violents pour s’infiltrer sur le territoire. L’absence ou l’insuffisance de services publics dans certaines régions en est la cause majeure et celle la plus recherchée par ces groupes terroristes. Mais il y a également les liens relativement distendus entre la population et les forces de défense et de sécurité, ainsi que les anciens conflits mal gérés. Ces différends proviennent d’une inégalité dans la répartition des territoires, à l’autorité de la chefferie traditionnelle, aux tensions communautaires et à la transhumance. À cela s’ajoutent aujourd’hui les tensions politiques récurrentes autour des échéances électorales que connaît le pays depuis 2006.

Création des FAT et évolution des effectifs

Les FAT sont inégalement réparties sur le territoire togolais. Plus de la moitié de leur effectif est fixé dans la capitale alors que d’autres villes de garnisons sont quasiment vides. La ville de Kara, ancien village du chef de l’État, est la seconde ville militaire du pays avec 20,27 % des effectifs militaires.

Depuis 1961, les FAT (Forces armées togolaises) comprennent l’Armée de Terre Togolaise (ATT), la Marine Nationale Togolaise (MNT), l’Armée de l’Air Togolaise (AAT) et la Gendarmerie Nationale Togolaise (GNT). Elles gardent comme héritage colonial sa constitution sur des critères culturels et ethniques. Sur les 14 000 hommes qu’elles comptent, 10 000 viennent de la partie septentrionale du pays et les 3 000 restants du Sud. Parmi ces 10 000 hommes du Nord, 7 000 sont Kabyè, et parmi ceux-ci 3 000 sont originaires de Pya, le village natal du Président. Alors que les Kabyè se situent entre 10 et 12 % de la population, ils représentent en revanche à eux seuls 53,84% des effectifs des Forces Armées. C’est cette dernière ethnie qui se trouve généralement à la tête des différents corps et unités de commandement.

L’ATT est l’ossature des FAT avec ses 12 212 hommes. Elle se décompose d’unités d’infanterie et de mêlées avec leur soutien et appuis. Ce sont les forces spéciales qui constituent plus de la moitié de l’ATT qui font le véritable bras armé du gouvernement. Forte de deux bataillons d’intervention rapide (FIR), d’un régiment de para-commando (RPC), cette force est renforcée par le Régiment Commando de la Garde Présidentielle (RCGP). Cette dernière assure la protection rapprochée du chef de l’État.

Enfin, l’ATT est dotée de matériels d’ancienne génération de fabrication russe, anglaise, allemande et française pour les blindés. De nationalité américaine et russe pour l’artillerie et française, belge, allemande, suisse, russe, autrichienne, anglaise, espagnole, israëlienne et américaine pour l’armement de l’infanterie. La MNT est très réduite (226 hommes) comparativement à l’ATT. Cela ne l’empêche pas d’être opérationnelle pour surveiller ses 55 km de côtes grâce à ses 3 vedettes offertes par les américains et 4 patrouilleurs de fabrication française.

L’AAT, forte de 636 hommes, est marquée par une grande influence des engins français malgré la présence d’avions de transport de fabrication canadienne et américaine, et allemande et italienne pour la chasse.
La GNT fait partie intégrante des FAT. Elle assure la protection des personnes et des biens en zone rurale, la surveillance des routes et des voies de communication et participent aux secours des populations sinistrées. En 2014, le Togo a fait le choix d’une armée professionnelle pour contrer les velléités extérieures d’agression et surtout pour assurer la sécurité intérieure.

Orientations politiques de lutte contre les groupes terroristes

Aujourd’hui, le Togo est gouverné par le fils de l’ancien président. Faure Gnassingbé promet de garantir la stabilité et la sécurité au Togo. Insistant sur le fait que le pays se trouve dans une région fortement menacée par la pression djihadiste, il a décidé de contrer cette menace pour assurer le bon déroulement des projets de développement.

La première ministre togolaise, Mme Victoire Tomégah-Dogbé a rencontré jeudi 04 août 2022 les responsables des partis politiques pour se pencher sur les préoccupations liées à l’insécurité dans le pays. Elle a dévoilé les dispositions et mesures prises d’un point de vue sécuritaire, militaire, économique et social. Désireuse de mutualiser les forces pour lutter efficacement contre le terrorisme, elle a recueilli les propositions des différentes sensibilités politiques.

Pour les partis politiques, le gouvernement doit faire en sorte que la précarité ne soit pas le terreau du terrorisme. Ils souhaitent des mesures d’accompagnement qui ne jettent pas les jeunes dans les bras des terroristes. Ils attendent une réelle cohésion entre les populations locales et les forces de défense. Pour eux, tout doit se faire dans le respect des droits fondamentaux et dans l’équité. Se focaliser uniquement sur la région des savanes est à leurs yeux une erreur, mais continuer à lutter contre la pauvreté dans l’ensemble du pays est une nécessité absolue.

Opérations extérieures et aides étrangères

Depuis 2014, les Forces armées togolaises participent aux opérations extérieures tout en assurant leur mission de défense de l’intégrité nationale. Le Togo est présent sur de nombreux théâtres d’opération. En Côte d’Ivoire, au Tchad ou en Haïti, les soldats togolais, membres de forces de maintien de la paix de l’ONU ou de l’Union africaine sont salués pour leur professionnalisme dans la gestion de crise. Un contingent de 250 hommes se trouve à Birao en Centrafrique ; 200 autres étaient basés à Abéché au Tchad. Le Togo est également en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’ONUCI avec 309 soldats déployés. Les FAT ont aussi des observateurs militaires au Libéria et au Darfour.

Djihadisme au nord, piraterie dans le golfe de Guinée, le Togo joue la carte sécuritaire et fait encore figure de refuge pour ses voisins. L’époque où les populations d’Afrique de l’Ouest ne connaissaient les phénomènes djihadistes qu’à travers les écrans de télévision semble révolue. Burkina-Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Nigéria et Togo sont tour à tour touchés par des attentats meurtriers.

Aujourd’hui, les terroristes affirment leur objectif d’infiltrer les pays côtiers d’Afrique. Même si ce projet n’est pas encore totalement atteint, à certains endroits, ils ont implanté des bases et dans d’autres, ils commettent des attentats. Chaque Etat à son niveau, tente de lutter contre ce réseau djihadiste qui ne cesse d’étendre ses tentacules. Face à la récurrence des assauts terroristes, il semble de plus en plus évident que les nations ouest-africaines doivent converger leurs actions pour plus d’efficacité. Pourtant, ces pays ne semblent pas prendre conscience de l’ampleur transfrontalière du phénomène.

Chaque Etat mobilise isolément ses forces de défense pour sécuriser son espace territorial. Si cette approche était efficace, le terrorisme ne gagnerait pas autant de terrain en si peu de temps. L’extrémisme violent est une menace nouvelle pour les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Les expériences des pays voisins et leurs enseignements pourraient les éclairer dans cette lutte. Or, elle démontre d’abord que le terrorisme n’est pas seulement une affaire de militaires. Avoir le soutien de ses populations est essentiel. Pour l’obtenir, l’équité dans le traitement des affaires intérieures, la lutte contre la pauvreté, le développement des infrastructures sont indispensables pour effacer les sentiments d’injustice.