Date : 17 Dec 2024
Front de libération de l’Azawad : les enjeux de la nouvelle coalition indépendantiste
Le Front de libération de l’Azawad (FLA) est fondé le 30 novembre 2024 à Tinzaouatène. Le 1er décembre, entre 7 et 8 h du matin, les Forces armées maliennes lancent une offensive à l’aide de drones, causant la mort de plusieurs membres du FLA, dont des cadres.
La création du mouvement résulte de plusieurs années de conflits entre des groupes rebelles et le pouvoir central malien, à propos de l’Azawad, la région du Nord du Mali, qui englobe Gao, Kidal, Ménaka, Gossi et Tombouctou.
Le Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), créé le 2 mai 2024, est dissout pour former le Front de libération de l’Azawad (FLA). Avant la création du FLA, les groupes touaregs sont séparés en deux factions : les anti-gouvernement, et ceux qui le soutiennent. Le CSP-DPA est une coalition luttant contre les autorités gouvernementales et ses alliés russes (Wagner). Elle rassemble notamment le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), une partie des membres du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). L’autre partie du MAA est membre de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 (ou la Plateforme), une coalition pro-gouvernementale dont fait également partie le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Lors de la création du FLA, les factions pro et anti-gouvernementales se rassemblent pour lutter contre les Forces armées maliennes (FAMa) et Wagner.
Les membres du Front de Libération de l’Azawad reprennent les revendications du CSP-DPA : l’indépendance totale et l’autonomie de l’Azawad, la région du Nord du Mali, qui recouvre des régions sahariennes et sahéliennes sur une surface d’environ 822 000 km². Ils souhaitent la création d’un État indépendant. Ils déclarent également s’engager à protéger les civils qui subissent les affrontements entre les rebelles, les autorités maliennes, Wagner et les djihadistes, et qui sont victimes de plusieurs exactions.
Contexte historique
Le Mali fait face à de violents conflits internes suite aux rebellions des touaregs séparatistes et aux attaques djihadistes, depuis 2012. Ces derniers ont fini par prendre de plus en plus d’ampleur, allant jusqu’à se déployer dans les pays frontaliers. Le 6 avril 2012, après des affrontements meurtriers contre les armées maliennes, le secrétaire général du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Bilal Ag Acherif, déclare l’indépendance de l’Azawad, qui sera rejetée par l’Union Africaine. Des tensions se développent entre le MNLA et les djihadistes, ce qui provoquera le départ du MNLA de plusieurs villes de l’Azawad, alors que les terroristes prendront le contrôle d’une partie conséquente du Nord du Mali, avant leur désertion et la reprise des territoires, notamment de Kidal, par la MNLA. En 2013, un accord de paix entre le gouvernement de transition malien et les rebelles touaregs est signé, qui sera rapidement rompu. Un an plus tard, les conflits subsistent. C’est dans ce contexte que sont créées les factions touaregs pro-gouvernementales (La Plateforme), qui luttent contre les séparatistes. L’année 2015 marque la signature des accords de paix d’Alger entre le gouvernement malien et les factions touaregs pro et anti-gouvernement. Mais ces accords seront bafoués à plusieurs réprises. Il subsiste de nombreuses zones d’ombres, notamment la question de l’indépendance de l’Azawad qui n’est pas traitée alors qu’elle est au centre des conflits. Le 25 janvier, le gouvernement de transition malien déclare la fin des accords d’Alger. Pour plusieurs rebelles touaregs, cette décision sonne comme une déclaration de guerre.
Le FLA considéré comme mouvement terroriste par les autorités maliennes
L’annonce de la fin des accords d’Alger par le gouvernement marque une rupture avec les rebelles touaregs, et sur leur refus de l’indépendance de l’Azawad., le gouvernement revendiquant l’intégralité du territoire malien actuel et la souveraineté nationale du pays. Certains médias pro-gouvernementaux appuient la communication du gouvernement en désignant systématiquement ces mouvements comme étant des terroristes.
Les combats entre les séparatistes et les autorités maliennes reprennent au cours de l’année 2023. En novembre de cette même année, le drapeau de Wagner flotte au sommet du fort de Kidal indique que la ville a été reprise par les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs alliés russes. Les rebelles séparatistes se replient à Tinzaouatène, à la frontière algérienne, où une bataille a lieu fin juillet 2024. Pour la première fois depuis son arrivée au Mali, (2021) le groupe Wagner subit son plus lourd bilan humain. Plus de 80 mercenaires et 40 FAMa perdent la vie lors de ces combats. Le 1er Décembre, soit quelques heures après la formation du Front de libération de l’Azawad (FLA), des frappes aériennes des autorités maliennes à l’aide de drones turcs, entraînent la mort de huit membres du FLA, dont Fahad Ag Almahmoud, anciennement secrétaire général du GATIA, d’abord proche des autorités de Bamako avant de rejoindre le FLA. De plus, Bilal Ag Acherif, pressenti comme étant le futur chef du FLA est déclaré comme gravement blessé.
Cette rapide riposte de l’armée malienne face à la création du FLA témoigne de son hostilité envers les mouvement indépendantistes de l’Azawad. Le coup d’État de 2020, la présence des mercenaires Wagner et la fin des accords d’Alger ont créé un terrain fertile, favorisant la création du FLA et mettant en évidence la fracture du Mali.