Date : 28 Nov 2024
Armement des terroristes au Sahel et approvisionnement
Le terrorisme s’impose de nos jours sur la scène internationale comme un phénomène de violence politique majeur auquel s’efforcent de s’opposer forces de l’ordre et armées nationales. En Afrique, de part sa parfaite connaissance du terrain, il prend un avantage décisif sur les forces régulières. Pour réaliser ses objectifs, il utilise souvent des anciennes armes récupérées. La terreur provoquée par leur violence extrême est placée au centre de ses actions. Enfin, leur efficacité réside dans leur capacité à se procurer un armement adéquat qui dépend directement de ses sources d’approvisionnement. L’armement des terroristes au Sahel se composent donc de multitudes d’armes, engins et vehicules explosifs transférés via des trafics.
"Nulle part au monde des groupes rebelles n’ont pu avoir accès aux mêmes armes que les forces légales qu’elles combattent. Pourtant, aujourd'hui, la proportion chez les terroristes est supérieure à celles détenues par les forces régulières. Le commerce illicite n'est pas la cause principale et unique de l'instabilité des nations, il est davantage la conséquence de l'absence préexistante de stabilité et de gouvernance"
Mohamed Bazoum, président du Niger depuis 2021
L'armement des terroristes
En Afrique comme ailleurs, lorsque l’homme convoite le pouvoir, il doit se procurer d’abord les moyens pour l’obtenir. Les terroristes ne font pas exception à cette règle.
Les armes dites traditionnelles
Les armées burkinabè et nigérienne ont mené une opération conjointe (Taanli 2 = Alliance ou cohésion) à la frontière des deux pays du 25 novembre au 9 décembre 2021. Une centaine de terroristes tués, de l’armement, en très grande majorité des Kalashnikov de fabrication russe, plusieurs caissettes de munitions et des chargeurs récupérés, des dizaines de fûts de carburant saisis et une quinzaine d’engins explosifs improvisés découverts et détruits.
La circulation des armes en Afrique prend les mêmes circuits que les autres trafics illicites favorisée par la porosité des frontières et une forte proportion à la corruption des agents des états.
Les armes innovantes
Affirmer que les groupes terroristes se limitent aux seules armes légères est faire preuve de naïveté et de manque de réalisme. Le terroriste est à l’affut de l’innovation lui permettant des actes encore plus efficaces et spectaculaires tout en contournant les mesures sécuritaires menées par les États. Les organisations terroristes ont un accès facile à la technologie et à l’armement via les marchés traditionnels, les trafics ou le DarkNet. Les avancées technologiques « permettent aujourd’hui aux groupes rebelles d’accéder à nombre de moyens, qui lors des années 60-70 étaient l’apanage des forces étatiques.
Leur imagination permet la création d’armes inédites. L’usage de bombes téléguidées, des véhicules piégés et l’emploi de l’attentat suicide ont fusionné avec l’adjonction de protections sur le véhicule, cela crée le concept de SVBIED : un véhicule explosif doté d’un blindage de fortune permettant au “conducteur-martyre” de se précipiter sur son objectif et de le détruire.
Les drones leurs permettent d’effectuer des reconnaissances d’objectifs, mais aussi de bénéficier d’une frappe aérienne le cas échéant. Le recours massif aux Engins Explosifs Improvisés (EEI), moyen le plus artisanal et le moins coûteux provoque de nombreuses pertes aux différentes Coalitions sur le terrain.
Origine de l'armement des terroristes au Sahel
Selon Georges Berghezan, chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), Sur l’ensemble de l’Afrique, il existe environ quarante millions d’armes détenues par des civils, en grande majorité de façon illicite, dont une trentaine de millions de fabrication russe rien que pour l’Afrique de l’Ouest.
Elles proviennent généralement de l’effondrement d’un pays. Mais la première source d’approvisionnement de l’armement des terroristes au Sahel est la production artisanale locale. Des forgerons produisent des armes de type fusils de chasse. Ce sont des armes non automatiques. Aujourd’hui, à l’instar des usines palestiniennes souterraines de Kalashnikov au Liban, des modèles Kalashnikov égyptiens portant le nom de port Saïd, de plus en plus d’artisans, notamment au Mali, Niger et Burkina Faso, sont capables de copier ces armes.
A cela s’ajoutent les trafics avec des groupes hautement organisés qui opèrent dans le Sahara ou sur un axe Est-Ouest et qui se caractérisent par ce qu’on appelle les « poly-trafics » car ils combinent les armes avec d’autres produits. Ce trafic côtoie un autre plus populaire mais plus accessible, qu’on appelle le « trafic de fourmis », qui souvent se mêle au trafic de migrants, très actif dans les zones frontalières.
Enfin, la source majeure d’approvisionnement en armes illicites est le trafic provenant des arsenaux des forces de sécurité. En Afrique, les forces de sécurité perdent ou vendent leurs armes au profit de groupes armés, de criminels et de jihadistes. Les origines des armes industrielles sont très diverses. C’est d’abord de façon régionale, le soutien d’un état voisin à des rebelles. Les grands trafiquants, qui étaient connus il y a une vingtaine d’années, sont inactifs aujourd’hui.
C’est une importation en provenance d’au moins 25 pays extérieurs au continent africain. Certains pays ont joué un rôle très important dans le passé : l’Ukraine, la Bulgarie, l’Irak, la Pologne avant son adhésion à l’Union Européenne. Aujourd’hui, comme par le passé, c’est la Russie qui tient la première place sur l’ensemble du continent suivie de près par l’Iran qui est plutôt actif vers l’est de l’Afrique. Récemment, une importante saisie à Lagos (Nigeria) de fusils turcs, démontre que la Turquie émerge sur ce marché illicite et devient un gros exportateur d’armes.