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Financement du terrorisme au Sahel : Stratégies et impacts

Sommaire de l'article

Pour accroître leur emprise au Sahel, les Groupes armés terroristes comme le JNIM (Al-Qaïda) et l’EIGS (État Islamique) se financent et s’approvisionnent de plusieurs façons : trafics, pillages de camps militaires, fraudes…  Dans la zone, ces manœuvres sont subies de plein fouet par la population civile, comme militaire.

Financement du terrorisme au Sahel : comment subsiste-t-il ?

Au cœur de l’épicentre mondial du terrorisme, les groupes armés se ravitaillent de différentes manières. D’abord, par la mise en place de nombreux raids dans des zones où une guerre de territoire est courante. Aujourd’hui, une mort sur deux liée au phénomène a lieu au Burkina Faso, au Niger et au Mali, selon le rapport mondial sur le terrorisme 2024 de l’Institut pour l’Économie et la Paix (IEP).

Convois et villages sont pillés. Le 14 avril au Mali, une cinquantaine de partisans du JNIM attaquent un camp Dan Na Ambagassou, sur la RN15, au cœur du pays Dogon, entre Bandiagara et Goundaka. Une dizaine de chasseurs dozos décèdent, et cinq sont blessés. Appelées par la population sur place, les forces de l’ordre ne sont arrivées que trop tardivement pour limiter le bilan humain. Le 11 avril au Burkina Faso, un convoi de ravitaillement en direction de Djibo est ciblé : deux camions sont incendiés et au moins deux morts sont à déplorer. Le 5 du même mois, au Niger, un véhicule de l’ONG CADEV-Niger aurait été enlevé par des hommes armés entre Diffa et Mainé-Soroa. Son chauffeur aurait été tué. Ces faits ne sont qu’une infime partie des attaques à l’encontre de la population.

Les civils ne sont, par ailleurs, pas les seules cibles des terroristes. Au Sahel, les autorités en place peinent à repousser ces opérations de réapprovisionnement sur leurs propres camps. Ce 31 mars au Burkina Faso, celui du village de Tawori est assiégé vers 17 heures. Affiliés au JNIM, plus de 350 terroristes ont déferlé sur le camp de Force de défense et de sécurité (FDS). L’attaque fait 73 morts, dont 32 civils, 25 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et 16 FDS. Elle aura permis au groupe djihadiste de piller une grande quantité d’armes, munitions, matériels de communication, ainsi que quelques véhicules.

De fabrication russe, d’Europe de l’Est et chinoise, l’armement provient essentiellement de vols auprès des camps de militaires locaux et VDP.

L’économie du terrorisme sahélien

Le financement des groupes armés terroristes passe notamment par la fraude de bas étage, le vol et l’enlèvement contre rançon des civils suite aux attaques, le détournement du financement d’ONG, mais aussi l’insertion de la sphère terroriste sur le marché noir.

En Afrique subsaharienne, le terrorisme et le niveau d’activités criminelles sont intrinsèquement liés.

Or, bétail, drogue, médicaments ou encore monnaies électroniques… Les marchandises concernées par ce commerce sont nombreuses.

L’exploitation des mines d’or consiste en 90 % du revenu des GAT. Selon le journaliste spécialiste d’exploitation minière Elie Kaboré : « La menace terroriste impacte toutes les mines du Burkina Faso. Les mines non attaquées investissent d’énormes sommes d’argent dans le transport des travailleurs. À cela, s’ajoutent les dépenses pour sécuriser les convois terrestres pour les ravitaillements. Elles augmentent les dépenses d’exploitation des mines. Pour y faire face, des emplois sont menacés. »

Durant les phases d’expansion territoriale, ces agressions sont d’autant plus fréquentes. Au Mali, la fin d’année 2022 a connu un grand nombre de vols de bétail et prises d’otages. Cela s’explique par l’escalade du conflit avec l’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS).
126 000 têtes de bétail auraient d’ailleurs été volées entre 2018 et 2020, rien que dans la région de Mopti, d’après l’IEP.

Principales zones de vols de bétail au Sahel

Le recrutement : entre manipulation et chantage

Ces activités contribuent notamment à renforcer les capacités de recrutement de la sphère terroriste au Sahel. Certains rejoignent les rangs djihadistes pour des raisons de défiance vis à vis des politiques étatiques. D’autres, le font à cause de rivalités alimentées par les vols inter-communautaires. De fait, la propagande terroriste exploite les divisions et les tensions culturelles au sein des populations locales et régionales. À cela, s’ajoutent les enlèvements de jeunes dans les villages. Ceux-ci sont ensuite élevés par les terroristes, qui assurent ainsi une protection aux localités de provenance. Beaucoup de soldats des groupes terroristes présents dans la zone proviennent également d’organisations criminelles pré-existantes.

De manière plus générale, les GAT font pression sur les villageois en les poussant à indirectement soutenir la cause. Impôt de charité religieuse à l’origine, la « Zakât » est récoltée par ces différents groupes auprès de la population, sous le regard passif des autorités locales.

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