La complicité entre trafiquants et fondamentalistes au Sahel

Fragilisée par les conflits qui se succèdent depuis maintenant une décennie, l’Afrique de l’Ouest souffre d’instabilité politique, de violence, de corruption, de pauvreté et d’un taux élevé de chômage, particulièrement chez les jeunes. Les groupes fondamentalistes exploitent cette situation, en s’adressant majoritairement aux jeunes défavorisés qu’ils essaient d’attirer à eux. En plus d’une instabilité récurrente, l’Afrique de l’Ouest est devenue en quelques années la plaque tournante de trafics d’armes, de biens et de drogue, ce commerce illégal profitant en grande partie aux groupes fondamentalistes. Les trafiquants et fondamentalistes sont par conséquent chacun complices de leurs propres activités.

Le Sahel, un territoire propice aux trafics

Le Sahel est confronté depuis plusieurs années à une série de menaces dont les plus marquantes sont le terrorisme islamiste, la criminalité organisée et les trafics illicites. Les trafics sont très anciens sur les voies reliant l’Afrique du Nord à l’Afrique subsaharienne. Ils sont également très disparates, du trafic transfrontalier des denrées alimentaires, au trafic de cocaïne géré par des groupes armés, en passant par celui des armes légères et de l’essence.

Dans cette zone du Sahel, la faiblesse des institutions et le rôle souvent défaillant des forces de sécurité, l’insuffisance des ressources, ainsi que les intérêts contradictoires des divers acteurs ont empêché la mise en place de structures de sécurité pérennes et ont favorisé les trafics en tout genre.

La complicité entre trafiquants et fondamentalistes au Sahel

Les réseaux de contrebande et de crime organisé alimentent les réseaux criminels djihadistes

Autant Boko Haram que l’EIGS ou le JNIM, tous ces groupes ont besoin de soutiens financiers que ce soit pour s’approvisionner en armes, en véhicules, en appareils connectés ou pour rémunérer leurs membres. Les trafiquants et fondamentalistes sont devenus la source de ces soutiens. On peut effectuer un classement des trafics illégaux alimentant les groupes terroristes.

1. Les activités lucratives et la vente de biens

Le financement du terrorisme peut s’opérer par la vente de biens et grâce à d’autres activités lucratives dont les prix sont exagérés puis en transférant les bénéfices vers des groupes terroristes. À titre d’exemple, un individu responsable d’une entreprise de télécommunications arrêté au Nigeria avait avoué qu’il transférait une partie de ses gains vers Boko Haram. De même, au Sénégal, un citoyen canadien d’origine somalienne a été identifié comme étant à la tête d’un réseau de blanchiment d’argent par le biais de création de sociétés fictives dans l’immobilier.

2. Le financement du terrorisme par le biais des ONG

En plus de dons et de collectes diverses, l’exécution de travaux pour une ONG par une entreprise de bâtiment est une pratique courante qui permet de faire fructifier cette dernière.

3. Le financement du terrorisme par la contrebande d'armes, de biens et de devises

Régulièrement, les agents de sécurité au Nigeria arrêtent des membres présumés de Boko Haram. Lors des interrogatoires, les personnes incriminées avouent que les bénéfices de la vente d’armes sont souvent redistribués à Boko Haram.  Par ailleurs, deux ressortissants du Niger ont été appréhendés à la frontière entre le Burkina Faso et le Niger, alors qu’ils se rendaient au Nigeria. Les deux étaient en possession d’armes, de munitions (environ 80 000 cartouches) et d’une somme de 8 000 000 Francs CFA.

4. Le financement du terrorisme par le trafic de drogue

Le trafic de drogue triangulaire impliquant l’Amérique latine, l’Afrique et l’Europe est un phénomène ancien, mais qui a pris de l’ampleur depuis quelques années profitant du vide sécuritaire et politique. Le changement a eu lieu dans les années 1990, avec l’explosion du trafic de drogue. Le continent africain offre alors aux narcotrafiquants d’Amérique latine une opportunité rêvée pour développer des trafics en toute impunité.

Avec ses frontières poreuses, sa proximité avec l’Europe, ses États fragiles, l’Afrique de l’Ouest est devenue un carrefour par excellence du trafic de drogues. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) la valeur marchande de la cocaïne qui transite chaque année par l’Afrique de l’Ouest était estimée à 1,25 milliard de dollars en 2013.

Des interactions entre trafiquants, fondamentalistes et terroristes difficiles à enrayer

On trouve donc un véritable enchevêtrement d’enjeux, d’acteurs, de réseaux pour le contrôle des ressources locales et du produit des échanges dans des zones où l’état est faiblement représenté voire quasi inexistant. Cette juxtaposition des intérêts rend plus difficile la recherche d’une paix et d’une stabilité durables, car plusieurs dynamiques s’opposent dans un même espace.

La sécurité et la surveillance aux différentes frontières nationales sont imparfaites, ce qui entraîne le passage de terroristes ainsi que d’armes légères.
L’incapacité et la faiblesse des autorités nationales, sont en partie responsables de la détérioration de la sécurité et de l’augmentation du financement du terrorisme dans la sous-région.

1 commentaire

  1. Vous n’évoquez les financements et complicités de certains pays du Moyen-Orient et de l’Occident. Le Qatar, l’Arabie Saoudite et L’Égypte sont aussi des réservoirs en idéologies wahabites, extrémismes sunnites et…pétrodollars

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *